lundi 2 novembre 2009

Tribus Akhas

Pendant ma randonnée dans la province de Phongsali, j’ai séjourné dans deux villages Akhas situés à environ 3 heures de marche de la route. Les Akhas sont des tribus que l’on retrouve au Laos, et également en Thaïlande, au Myanmar et au Yunnan. Les femmes portent un costume traditionnel noir avec des broderies colorées, et une coiffe ornée de nombreuses pièces de monnaie. Elles sont magnifiques. Les hommes, par contre, ont la plupart du temps arrêté de porter le vêtement de leur tribu. Ils fument la cigarette dans de grosses pipes à eau en bambou.

J’ai pu m’entretenir avec les chefs de ces deux villages grâce à l’aide de mon guide, Kampi, qui traduisait du Phunoï à l’Espagnol. Les fonctionnements de ces deux hameaux, et les réponses de ces deux chefs sont assez similaires.

Le premier village s’appelle Mos Osan. Il compte 280 habitants venant de 70 familles différentes, environ 300 bovins et plus de 1000 porcs (un nombre impossible à vérifier). Il appartient à l’ethnie Akha Mi-O.

L’autre hameau se nomme Papun Maï, et ses 306 habitants sont de l’ethnie Akha Fix-O.

Un chef est élu pour une période de trois ans. Pour être chef, il faut surtout être calme. En effet, il émane une grande sagesse de ces deux personnages. Ils m’expliquent qu’il faut surtout faire de l’éducation et de la prévention pour mener à bien ses fonctions.

Je me demandais s’il était difficile de gérer un village de 300 habitants, et comment les problèmes étaient réglés. « Des problèmes ? Non, ça n’existe pas chez nous. Dans d’autres villages, oui, il y en a, mais pas dans les nôtres. », me répondent-ils chacun, à quelques heures d’intervalle, avec un petit sourire, à la fois fiers et surpris de ma question. « Nous n’avons ni voleur, ni fumeur d’opium. Les gens sont tranquilles et respectent les lois du village. »

À bien y réfléchir, il y a bien eu un problème, une fois, à Mos Osan : deux cochons ont été volés par les gens d’une autre tribu. Le chef de Mos Osan est donc allé trouver les voleurs pour leur parler des lois. Ils ont payé plus de 4 millions de Kips de compensation (environ 500 $ CA ou 315 €), et le problème était réglé.

À Papun Maï, ce qui complique l’existence, c’est que les vieux ne savent ni lire ni écrire. À cause de ses fonctions, le chef a dû s’y remettre. Toutefois, ce n’est pas facile, il n’avait pas pratiqué depuis longtemps. À l’école, on lui avait appris à lire et à écrire en Laotien, langue qui n’est pas parlée au village.

Chacun des deux chefs s’interroge sur l’avenir de son agglomération. Ils ont besoin d’un nouveau revenu d’argent, et se demandent quelle culture pourrait le leur apporter. L’un d’entre eux a été approché par des gens d’affaire qui voudraient qu’ils cultivent la canne à sucre. Mais les techniques proposées les obligeraient à utiliser des nombreux pesticides, et plus rien ne pousserait sur ces terres au bout de trois ans.

Une autre option, que les deux chefs envisageaient, était de déplacer les villages, les rapprocher de la ville de Phongsali, pour y cultiver le thé. Mais c’était avant l’effondrement du prix du thé : le prix de gros a chuté de 80 000 Kips (10 $ CA ou 6,3 €) à 2000 Kips (0,25 $ ca ou 0,16 €), pour un kilo…

Le chef de Papun Maï a un rêve pour son village : une route. Je lui explique à quel point une route peut apporter des problèmes, et combien il risque de perdre la paix qui règne chez eux. Mais il est aveuglé par les avantages que cela aurait, et me répond : « Au moins une petite route, pour venir en moto toute l’année ! ». J’avais été surprise de voir une moto qui trônait dans son salon, avec des vêtements accrochés dessus. Pour le moment, il arrive à circuler dans les sentiers par lesquels je suis venue, à la saison sèche seulement.

En deux mois en Thaïlande et au Laos, je n’ai jamais aussi bien mangé. À chaque repas, en plus du riz, cinq ou six préparations sont sur la table basse, et chacun se sert dans les plats avec ses baguettes. Comme ils savent que je suis végétarienne (la bonne blague : ils en ont bien ri !), il n’y a pas de viande. Les femmes ont cuisiné dans un coin de la maison, au feu de bois, plusieurs sortes de légumes, du bambou, des fèves de soja, des cacahuètes grillées. Je me régale et demande à mon guide : « Est-ce qu’ils mangent aussi bien tous les jours, ou bien ont-elles préparé des plats spéciaux parce que nous sommes là ? ». Étonnée, j’apprends qu’il s’agit de repas ordinaires. Il leur arrive aussi de ne manger que de la viande et du riz. Une famille de six personnes consomme environ cinq tonnes de riz dans une année.

Ils sont quasiment autosuffisants en matière de nourriture. À Mos Osan, il existe même une loi qui interdit d’acheter des aliments à l’extérieur et de les rapporter au village, à part pour ce qu’ils ne produisent pas (par exemple, l’huile). Dire que certains peuples, qui se nourrissent de plats surgelés ou en conserve, de fruits et légumes pleins d’OGM, de viandes injectées d’antibiotiques, essaient de nous faire croire que ces gens-là, qui vivent si bien, sans stress malgré leur dur travail physique, sont pauvres alors qu’eux-mêmes sont riches…

La porte d’entrée du village de Mos Osan, avec  les symboles destinés à faire fuir les mauvais esprits.



Mos Osan.


Papun Maï


La maison du chef de Papun Maï, où j’ai dormi. Les habitations ne possèdent aucune fenêtre, seulement 2 portes.


Le chef de Mos Osan et son fils, qui fument le tabac dans la pipe à eau. Je n’ai pas osé prendre les femmes en photo.



Un repas succulent.


À Mos Osan comme à Papun Maï, les cochons sont partout, en liberté. Ils sont élevés pour être mangés et vendus.

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