lundi 23 août 2010

Tragédie au Ladakh

Le quartier du terminus de bus à Leh

Plus de 2 semaines après la catastrophe, l’opération de nettoyage de la ville de Leh est encore loin d’être terminée.


200 morts, 800 disparus, plus de 500 blessés et au moins 1 000 maisons détruites… Le bilan est très lourd pour le Ladakh qui compte 150 000 habitants. Cette région de l’Inde est située au Nord du pays, dans les Himalayas, entre le Pakistan et le Tibet. Le Ladakh est un désert de haute altitude, un endroit tellement aride que personne n’était préparé aux violents orages qui se sont abattus sur la région pendant plusieurs nuits d’affilée, en particulier la nuit du 5 au 6 août dernier. Dans un pays où quelques gouttes de pluie sont rarissimes, les maisons ne sont pas conçues pour être à l’épreuve de telles précipitations ; elles sont faites de briques de terre, et leur toit est plat, recouvert de terre, et elles avaient déjà été fragilisées par de fortes pluies au printemps dernier.

Ces orages ont provoqué la pire catastrophe naturelle de l’histoire du Ladakh. Dans la capitale, Leh, le terminus de bus a été rasé par les trombes d’eau chargées de roches qui se sont écoulées dans cette partie basse de la ville, emportant avec elles également environ 200 magasins. Les édifices de la station de radio et celui du téléphone ont totalement disparus, et l’hôpital principal a été rempli de boue et de débris. Au moins 20 villages ladakhis ont été partiellement détruits par ces mêmes orages, jusqu’à 135 km de Leh. 40 % des routes et des ponts, que ce soit ceux des villages ou bien ceux de la route qui mène à Srinagar, ont été démolis.

Dans plusieurs des zones affectées, les trombes d’eau qui sont tombées du ciel ont créé de nouvelles rivières descendant les pentes abruptes des montagnes, où la végétation est minime, se chargeant de roches, prenant de cette façon de plus en plus de vitesse et de force. Ainsi, dans le petit village de Saboo, à 7 km de Leh, des rochers pouvant atteindre plusieurs tonnes se sont faits transporter dans le torrent de boue, détruisant tout sur leur passage. Maisons coupées en deux, d’autres dont il ne reste plus rien, d’autres enfouies jusqu’au premier étage, d’autres encore totalement remplies d’un mélange compact de terre et de pierres, les rendant inutilisables, véhicules détruits… Là où se trouvaient champs verdoyants et jardins potagers, on ne trouve plus qu’un désert de roches. 14 personnes ont trouvé la mort cette nuit-là dans ce village dont les ladakhis étaient si fiers.

À Choglamsar, un peu plus bas en altitude, ce sont plusieurs rivières de boue qui ont envahi le village situé près de la rivière Indus. Sur 205 maisons, 45 sont des pertes totales, 50 ont été endommagées partiellement et 35 légèrement. Après les événements, c’est une véritable mer de boue qui est resté dans certains quartiers de cette petite ville de 1 000 habitants, allant jusqu’à une épaisseur de plus de 3 mètres.

Suite au déchainement des éléments, la panique s’est emparé de la population locale comme des touristes et des travailleurs d’autres région de l’Inde venus pour la saison d’été au Ladakh. À Leh, des haut-parleurs circulaient dans la ville pour demander au gens d’aller dans les hauteurs. Ainsi, des centaines de personnes ont campé pendant plusieurs nuits d’affilée autour du célèbre Shanti Stupa qui surplombe la ville. D’autres allaient se réfugier chaque nuit dans des villages à l’altitude plus élevée que Leh comme Matho ou Stok. Partout, même dans les villages non affectés, on a vu des tentes s’élever, de nombreux habitants ayant peur de dormir sous leur toit tant qu’il y avait encore des pluies nocturnes. D’autres tentes ont été installées pour accueillir les sans-abris. Ainsi, le plus haut terrain de golf au monde s’est transformé en camp de réfugiés, avec 10 000 personnes qui s’y étaient installés.

Heureusement, lors d’une catastrophe d’une telle ampleur, les gestes de solidarité ont été nombreux. Dès le matin du premier désastre, des bénévoles ont été nombreux, autant parmi les ladakhis que chez les tibétains ou les touristes. Ils ont aidé à sortir les corps pris dans la boue, sans espoir de trouver des survivants. Ils aident encore, plus de 2 semaines après les événements, à dégager des décombres ce qui est récupérable pour ceux qui ont tout perdu, même si, parfois, les découvertes de ce qui est encore utilisable sont minimes. Les habitants de villages non touchés par ces inondations se sont aussi rendus pour prêter main forte aux habitants de villages dévastés ; par exemple, une centaine d’habitants de Matho se sont rendus à Saboo dans les bennes de 2 camions, en chantant des prières bouddhistes tout au long de la route.

Maintenant que la situation s’est stabilisée, de nombreux problèmes surgissent. L’hiver approche à grands pas, les réfugiés ne peuvent pas rester sous la tente. Pour reconstruire tout ce qui a été endommagé ou détruit, cela prendra au minimum 2 ans. Les ladakhis dépendent pour une grande partie de leurs cultures pour s’approvisionner ; comment vont se nourrir ceux qui ont tout perdu : les réserves de grains, les récoltes de l’année qui mûrissaient dans les champs, les légumes des jardins potagers qu’ils auraient déshydratés pour la saison froide, le fourrage pour les animaux ou encore les animaux eux-mêmes, tels que les vaches que presque chaque famille possède… Et pour le reste de l’approvisionnement, tout ce qui doit être acheté n’est pas en quantité suffisante à Leh pour subvenir aux besoins de ce peuple dont les routes le coupent du reste du monde pendant au moins 8 mois par an. En effet, cet été, la situation politique au Cachemire a été très mauvaise, empêchant les convois de Srinagar d’approvisionner Leh de manière à ce que les habitants et les magasins puissent faire les réserves suffisantes jusqu’au printemps prochain. À cela s’ajoute le traumatisme de toute une ethnie…

Parmi ceux qui ont été les plus touchés par la tragédie se trouvent les travailleurs népalais et ceux d’autres régions de l’Inde, telles que le Bihar. Ils étaient employés agricoles pour l’été, ou travaillaient comme manœuvre sur les routes ou encore dans la construction. Ils habitaient sous tente, et bien souvent, ils n’ont pas été dénombrés parmi les victimes, puisqu’ils n’ont pas de famille sur place pour signaler leur absence. Bien souvent, ils étaient payés à la fin de leur contrat seulement, et leur salaire permet de subvenir aux besoins d’une famille entière pendant toute l’année. Les habitants permanents du Ladakh (ladakhis et tibétains) vont recevoir des aides du gouvernement et des ONG. Mais ces biharis et ces népalais, et leurs familles, qui va penser à eux ?

Malgré toute l’ampleur du désastre, on sent que les ladakhis ne sont pas du genre à se laisser abattre. Au lieu de se lamenter, ils continuent leur chaine de solidarité. Ceux qui n’ont pas tout perdu travaillent dans les champs pour pouvoir partager leurs récoltes. Bien sûr, on parle encore des événements. Qu’ils soient bouddhistes ou musulmans, de nombreux habitants du Ladakh s’entendent pour dire qu’un tel cataclysme est survenu parce que leur peuple a perdu ses valeurs dans les changements qui sont survenus dans leur coin de pays depuis une trentaine d’années, depuis son ouverture sur le monde. Alors que solidarité, compassion, bonté, générosité faisaient partie de leur quotidien, ils reconnaissent les avoir délaissées pour s’intéresser de plus en plus à l’argent. Pourtant, malgré ces changements, les ladakhis sont encore l’un des peuples les plus généreux et les moins égoïstes de la planète, et ils sont loin d’avoir totalement perdu leurs nobles valeurs. Cela ne peut que les aider à surmonter un tel désastre.

dimanche 22 août 2010

Moisson du fourrage

Aussitôt les grosses pluies terminées et le choc de la catastrophe absorbé, les habitants de Matho se sont mis à l’ouvrage. Il faut couper l’herbe qui servira de nourriture aux animaux pendant toute l’année. Dans certains champs, on ne trouve que ces herbes et pas d’autres cultures. Sur le bord d’autres champs plantés de céréales comme dans le pourtour des jardins potagers, sous les abricotiers, on coupe ces plantes variées et fleuries partout où elles se trouvent. Pas de tracteur ni aucune autre machine agricole, tout se fait à la main. En général, les hommes, genoux à terre, manipulent la faucille, et les femmes font des ballots avec l’herbe coupée. Mais, par manque d’hommes, qui travaillent souvent à l’extérieur, on peut voir des femmes se servir également de la faucille. Pendant 2 jours et demi, j’ai aidé 3 familles différentes dans les champs, en confectionnant les ballots. Il faut d’abord faire une torsade de plantes qui sert ensuite à attacher le paquet d’herbes ensemble. Cela paraît si facile… mais il faut un peu de pratique avant d’y arriver.
Ce qui est extraordinaire dans ce travail, ce sont les chants qui accompagnent le labeur tout au long de la journée. Ils ne ressemblent à rien de ce que je connaissais auparavant. Les travailleurs se divisent en 2 groupes non fixes, qui se répondent et répètent des phrases telles que : « lami lamo ton-lé », ce qui signifie que le travail est facile. Au fur et à mesure que les heures passent, le ton change, le rythme aussi, l’entrain évolue également, ce qui fait que la chanson est toujours différente. Nous faisons de nombreuses mais courtes pauses. Nous buvons du thé, les hommes préfèrent le « chang » (boisson légèrement alcoolisée fabriquée dans chaque maison à partir d’orge), dans lequel ils mettent une poignée de « gnampé » (farine d’orge grillée). Certaines femmes en boivent aussi un peu. À chaque pause, les hommes affutent leur faucille avec une pierre de la rivière. En général, une femme prend soin de tout le monde. Elle s’assure qu’il y ait assez de « chang », prépare les différents thés (le salé et le sucré), une grosse collation vers 11h ou 12h, puis le repas qui est servi dans le champs en début d’après-midi.
Une fois les ballots d’herbe confectionnés, on les met debout, 3 par 3. Et le travail ne s’arrête pas là : après cette journée de coupe, il faudra revenir les chercher. Les ladakhis utilisent comme un sac à dos une longue sangle, grâce à laquelle ils peuvent transporter de grosses quantités d’herbe. Ils les rapportent jusqu’à leur maison, puis les montent sur le toit pour les y faire sécher.
Quand on a travaillé toute la journée aux champs avec les ladakhis, leurs chansons résonnent encore dans la tête au moment de se coucher, et bercent un sommeil de plomb. Il s’agit d’une expérience merveilleuse et d’un privilège que de partager avec eux des moments pareils.










samedi 21 août 2010

Catastrophe au Ladakh

cette maison de Saboo est une perte totale. À la place de la rivière de roches et de terre, devant la partie encore visible du bâtiment, se trouvait la cuisine…


Dans le village de Saboo, à la place de ce tas de roches, se trouvait une maison. Elle a disparu la nuit du 5 au 6 août. 4 de ses habitants y ont trouvé la mort, incluant une femme enceinte.






Dans le village de Matho, une seule maison s’est écroulée, ne faisant aucun blessé. Une trentaine de voisins se sont portés bénévoles pour en sortir tout ce qui était récupérable.



Maison enterrée jusqu'au premier étage à Saboo.




Le Ladakh a connu des heures sombres, au début août. De violents orages se sont abattus sur la région pendant plusieurs nuits d’affilée. Le Ladakh étant un territoire très aride, les maisons ne sont pas construites pour être à l’épreuve de telles précipitations ; elles sont faites de briques de terre, leur toit est plat, recouvert de terre, et souvent une partie en est ouverte sur l’intérieur de la maison. Lors de ces orages, il a donc plu dans la plupart des maisons ladakhis, et j’ai dû déménager dans la chambre du rez-de-chaussée que j’occupais l’année passée. Ce n’est qu’un tout petit inconvénient par rapport à ce qui s’est passé aux alentours…

Le pire est survenu lors des 2ème et 3ème nuit de déluge. À Leh et dans une vingtaine de villages, de nombreuses maisons se sont écroulées, parfois sur leurs propriétaires. Des coulées de boue ont emporté des vies et rempli des maisons entières, les rendant inutilisables. Tous les ponts de la route reliant Leh au Cachemire ont été détruits. Les dégâts sont innombrables. Maintenant que tout est terminé, on a retrouvé environ 200 corps, 600 personnes sont encore disparues, et les blessés sont très nombreux. Pour une région dont la population est de 150 000 habitants, le bilan est lourd. D’autant plus que, de mémoire de ladakhi, même chez les plus âgés d’entre eux, jamais une catastrophe de cette ampleur n’est survenue parmi ce peuple.

À Matho, il a aussi plu dans les maisons, mais les dégradations ont été vraiment minimes. Une seule vieille maison s’est écroulée dans tout le village, sans faire aucun blessé. Avec une trentaine de voisins, je suis allée aider les propriétaires à en sortir tout ce qui était récupérable : matériaux de construction (poutres, baguettes de bois, portes, fenêtres, escalier, briques de terre …), poêle à bois, vaisselle (principalement en métal, mais une cuvette remplie de tasses de porcelaine intactes a été sortie des décombres, une seule d’entre elles étant cassée), objets divers, et surtout le plus important, les réserves de grains et de farines.

Le village de Matho a été bien épargné par les événements. Les villages dévastés sont situés partout autour de Matho et de Stok, miraculeusement épargnés. Des habitants de Leh et de Choglamsar sont venus plusieurs soirs d’affilée passer les nuits, en sécurité, au monastère de Matho. Plusieurs habitants du village, quant à eux, ont installé des tentes dans les montagnes : ils avaient peur que leur maison ne s’écroule sur eux pendant leur sommeil.

Le service de bus pour aller à Leh a été interrompu pendant une semaine. Les enfants n’ont pas eu d’école puisque les professeurs ne pouvaient pas venir. Les lignes de téléphone fixe ne fonctionnent pas depuis 2 semaines, et les téléphones portables ont eu bien des problèmes également.
Le 11 août, une centaine d’habitants de Matho se sont regroupés dans les bennes de 2 camions, armés de pelles et de pioches, pour aider les habitants d’un village dévasté : Saboo. Je faisais partie du nombre. Tristesse et désolation nous attendaient dans ce village qui devait être si paisible et agréable en temps ordinaire. Une nuit, un torrent est soudainement passé en plein cœur du village, un chemin qu’aucune rivière n’emprunte en général. Le flux était si important qu’il charriait avec lui des roches de toutes tailles, allant jusqu’à peser plusieurs tonnes. Les dégâts sont terribles : maisons écroulées, coupées en 2, remplies de terre et de pierres, presque comme du béton armé. Là où étaient les champs et les jardins potagers verdoyants, il ne reste qu’un désert de roches.

Nous avons d’abord travaillé à essayer de dégager une maison intacte : l’amas de terre et de pierres s’amoncelait jusqu’au premier étage. Le long de la maison se trouvait, sous un autre tas, les restes de l’étable et de 3 vaches.
Puis, avec mes amies, nous sommes allé aider à dégager les décombres d’une autre maison, dont il ne restait pas grand chose : d’un côté, les restes d’un petit magasin, de l’autre, 2 pièces défoncées, remplies de terre compactée et de roches. Entre les 2 était située une autre partie de la maison, totalement disparue et impossible à imaginer sous cette rivière de décombres et de roches. Toute la journée, entre 10 et 20 personnes ont travaillé dur pour en sortir quelques objets et essayer de consoler la propriétaire malchanceuse : 2 matelas et les 2 tapis que l’on place dessus, 2 sacs de jute remplis de vaisselle de métal terriblement cabossée, quelques coussins… La récolte est minime par rapport à la somme de travail, mais pour quelqu’un qui a tout perdu, c’est déjà quelque chose.

Un peu plus haut, en fin d’après-midi, un Rimpoche (Lama haut gradé) est venu prier sur un amas de grosses pierres. J’apprends qu’à cet endroit se trouvait une maison (difficile à croire : on ne peut en distinguer que des fondations d’un seul côté), et que, cette nuit-là, 4 personnes de la même famille y ont trouvé la mort, incluant une femme enceinte. Au total, 14 personnes sont mortes dans le petit village de Saboo.

À la nuit tombante, les 2 camions nous ont ramener, brinquebalant, à Matho. Malgré la fatigue d’une journée de dur labeur, la désolation et la tristesse de tout ce qu’ils ont vu, les habitants du village où j’habite ont gardé leur joie et leur bonne humeur habituelle. Pendant la plus grande partie du trajet, comme à l’aller, ils ont chanté une prière bouddhiste. Une fois de plus, les ladakhis m’ont donné une leçon de courage et de solidarité.

lundi 2 août 2010

Les livres sont de sortie !

Chaque année, certains villageois de Matho, accompagnés de plusieurs moines, s’adonnent à une tradition ancestrale : ils sortent les livres sacrés de la bibliothèque du monastère, et les emportent pour leur faire faire le tour du village et de chaque lieu sacré (stupas, manis, chortens, grottes etc…). Matho étant très étendu et montagneux, il s’agit d’une véritable épreuve physique à laquelle se prêtent volontiers jeunes et moins jeunes, pendant 2 jours. Comme toujours, malgré la fatigue, les ladakhis sont de bonne humeur, et marchent en s’exclamant très joyeusement, en répétant des cris tels que : « maintenant, le village est tranquille ! ».


Les livres transportés ne sont pas reliés. Ils sont composés de longs feuillets entourés de tissu.


Il y a de nombreux arrêts. À chaque fois, les moines disent des prières, accompagnés de musique. D’autres villageois préparent du thé et de la nourriture à offrir au groupe dès son arrivée. Avant de repartir, il arrive qu’un homme improvise une petite danse ladakhi, très lente, au son des tambours et des cris d’encouragement de ses amis.
La pause derrière ma maison se passait sous un gros arbre, auquel était attaché une tête de yack, au-dessus de laquelle on avait posé le portrait du Rimpoche de Matho (portrait qui a, lui aussi, a fait le tour du village bien sûr).



La moutarde

Yankchen (ma propriétaire et amie) retire la moutarde de son champ pour la donner à manger aux vaches...

Partout à Matho, au mois de juillet, la couleur jaune de la plante Ajouter une imagede moutarde domine le village et ensoleille les paysages. On la cultive pour faire de l’huile à partir de ses graines. Cependant, la plante pousse aussi partout où l’on irrigue : les graines se propagent par l’eau des canaux d’irrigation. Ainsi, on peut voir des plants de moutarde pousser partout, dans les champs d’autres cultures autant que dans les potagers ou dans les platebandes de fleurs. On la désherbe pour la donner à manger aux bovins (en fin de journée, on voit souvent des ladakhis cueillant ou portant de gros bouquets de fleurs jaunes pour les porter aux vaches et aux dzo-mo), mais aussi pour en manger les feuilles qui se cuisinent comme des épinards, ou encore pour faire sécher ces dernières qui seront consommées pendant l’hiver.

Ma cuisine

Dans un coin de ma chambre, c’est dans cette cuisine que je prépare tous mes repas. Pas de restaurant, pas de frigo, mais que de bons produits pour cuisiner : par exemple, la farine de blé complet est celle que ma propriétaire confectionne à partir de ses récoltes ; les légumes sont tous cultivés localement, ou encore ils sont ceux que je cueille dans la montagne (ou certaines « mauvaises herbes » qui poussent dans les champs ou le jardin potager et qu’on peut prendre quand on aide à désherber).
C’est dans cette cuisine que je cuis mon pain (que je mange principalement le matin, accompagné du beurre que baratte Yangchen dans la pièce à côté, à partir de la crème provenant du lait de ses vaches, et d’une confiture d’abricots très naturelle que j’achète à Leh). C’est aussi dans ce coin que je prépare le ghee (beurre clarifié, ce qui permet de le conserver très longtemps), des conserves de choucroute (que je viens d’apprendre à faire, c’est d’une simplicité !) ou de betteraves. Je cuisine aussi des légumes, dans une huile de moutarde provenant d’un autre village, avec des épices indiennes fraichement moulues, et le meilleur sel au monde : le sel de roche de l’Himalaya. Pour les accompagner, je prépare des chapatis (galettes de blé complet), du riz du Kashmir ou du riz complet, du boulghour… Je mijote aussi parfois une bonne « thukpa » (soupe ladakhi), un végé-pâté de mon invention, à base de lentilles, ou un gâteau au chocolat.
Bref, nulle part ailleurs sur la planète je ne pourrais retrouver les mêmes goûts et surtout la même qualité d’aliments, pour la plupart biologiques et locaux, et à un prix imbattables…